« L’identitÉ
MISSIONNAIRE DU PRÊTRE DANS L’ÉGLISE,
COMME DIMENSION
INTRINSÈQUE de l’eXERCICE DES tria munera »
Messieurs les Cardinaux, Vénérés Frères dans l’Épiscopat
et dans le Sacerdoce,
1. Introduction
Je voudrais tout d’abord souhaiter cordialement la bienvenue à
tous les Membres de la Congrégation, et en particulier à ceux qui se joignent à
nous pour la première fois dans cette Assemblée Plénière en tant que nouveaux
membres. Mes remerciements sincères vont à tous ceux d’entre vous qui, non sans
sacrifices, êtes venus ici dans la Ville Éternelle.
Je désire rendre grâce avec vous au Seigneur qui nous a réunis
dans cette Aula, cum Petro et sub Petro
et sous la protection de l’Apôtre Paul en cette année paulinienne, dans un esprit
de communion, de foi et d’amour qui nous unit dans le service de l’Église, pour
le bien de nos prêtres, de nos diacres, et de tout le Peuple de Dieu.
Ces dernières années, notre Dicastère a apporté une contribution
de qualité, dans le cadre des compétences qui sont les siennes. Comment ne pas
rappeler l’important Directoire pour le
ministère et la vie des prêtres, paru en 1994 ; puis, la lettre
circulaire Le prêtre, maître de la
Parole, ministre des sacrements et guide de la communauté en vue du troisième
millénaire chrétien de 1999 ; l’Instruction Le prêtre, pasteur et guide de la communauté paroissiale de 2002 ;
enfin, l’Assemblée Plénière de 2004 s’est penchée sur les organismes de collaboration dans l’Église particulière, aux niveaux
diocésain et paroissial et sur la Pastorale des Sanctuaires, en s’efforçant de présenter de manière
claire et complète les fondements théologiques et sacramentels
spécifiques qui sont à la base des normes du code et des récentes
dispositions magistérielles sur les organismes
diocésains et paroissiaux. Ce
faisant, elle a indiqué la voie pour corriger ou éliminer les constitutions et les
modes de fonctionnement inappropriés qui peuvent exister dans les organismes
de participation diocésains ou paroissiaux des Églises particulières, et
qui sont quelquefois éloignés ou même contraires à la législation universelle
de l’Église.
Aujourd’hui, ligne du Magistère de l’Église, et notamment des
Documents du Concile Vatican II et des interventions les plus récentes du
Souverain Pontife, notre Congrégation propose un thème auquel elle attache une
grande importance ecclésiale : « L’identité missionnaire du prêtre
dans l’Église, comme dimension intrinsèque de l’exercice des tria munera ». Elle entend ainsi mettre
l’accent sur l’importance de l’identité missionnaire du prêtre dans le contexte
actuel de la vie de l’Église.
2. L’urgence missionnaire dans le monde actuel
L’Église est par nature missionnaire, puisqu’elle tire son origine
de la mission du Fils et de celle de l’Esprit Saint, selon le dessein de Dieu
le Père (Décret Ad gentes, n. 2). Il
s’agit d’une missionnariété intrinsèque, fondé en dernière analyse sur les
missions trinitaires elles-mêmes. « Allez dans le monde entier, proclamez
la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15). On le retrouve également
dans la vocation de l’Apôtre des Gentils : « Va, car moi, je vais
t’envoyer au loin, vers les nations païennes » (Ac 22,21).
Dans les
circonstances actuelles, l’urgence missionnaire se fait sentir avec force dans
le panorama mondial, non seulement pour la mission ad gentes, mais aussi pour la mission à l’intérieur du troupeau
déjà constitué de l’Église.
Dès le début de son pontificat, le Pape Benoît XVI a insisté sur
la situation nouvelle que l’Église vit aujourd’hui dans la société post-moderne.
Il s’agit d’une société dont la culture tend à rejeter Dieu, une société profondément
marquée par la sécularisation, le relativisme, le scientisme, l’indifférentisme
religieux, l’agnosticisme et par un laïcisme souvent militant et
anti-religieux. Cette nouvelle culture post-moderne progresse surtout dans les
pays occidentaux. Elle est omniprésente dans les médias, et se répand
progressivement à tous les peuples à travers la mobilité humaine et les nombreuses
formes actuelles de communication.
S’adressant
aux évêques allemands à l’occasion de la Journée Mondiale de la Jeunesse
(2005), le Saint-Père a dit : « Nous savons que sécularisation et
déchristianisation continuent de progresser, que le relativisme s’accroît, que
l’influence de l’éthique et de la morale catholiques est toujours moindre.
Beaucoup de personnes abandonnent l’Église ou, si elles y restent, acceptent
seulement une partie de l’enseignement catholique, choisissant uniquement
certains aspects du christianisme. […] Vous-mêmes, chers confrères, avez
affirmé [...] : Nous sommes devenus une terre de mission. […] Nous
devrions réfléchir sérieusement sur la façon dont nous pouvons réaliser aujourd’hui
une véritable évangélisation. […] Il ne suffit pas de s’efforcer de conserver
le troupeau existant, même si cela est très important. […] Je crois que nous
devons tous ensemble essayer de trouver de nouvelles façons de ramener l’Évangile
dans le monde actuel, d’annoncer de nouveau le Christ et d’établir la
foi » (Discours au Séminaire de
Cologne, 21.8.2005).
En même temps, nous prenons toujours plus conscience qu’à côté
des problèmes de la culture post-moderne, il y a aussi le problème du
pourcentage très élevé de catholiques qui vivent loin de la pratique
religieuse, et celui de la chute très nette, pour différentes raisons, du
nombre de ceux qui se disent catholiques ; il faut tenir compte enfin du
problème de la croissance extraordinaire des sectes, et en particulier des sectes
évangéliques pentecôtistes.
Face à cette situation, il est urgent de répondre avec
générosité à l’appel du Saint-Père à une authentique « mission » s’adressant
à ceux qui, bien qu’ayant été baptisés par nous, n’ont pas été suffisamment évangélisés
du fait de diverses circonstances historiques. Dans son discours aux Évêques
brésiliens, en 2007, le Pape a dit : « […] Il est donc nécessaire de
lancer l’activité apostolique comme une véritable mission dans le cadre du
troupeau constitué par l’Église qui est au Brésil, en promouvant une
évangélisation méthodique et ramifiée en vue d’une adhésion personnelle et
communautaire au Christ. […] En un mot, une mission évangélisatrice qui
interpelle toutes les forces vives de cet immense troupeau est nécessaire »
(Discours du Saint-Père aux Évêques
brésiliens, 11 mai 2007, n. 3).
3. L’identité missionnaire des Prêtres et les tria munera
Au sein du Peuple de Dieu, l’exercice du ministère presbytéral est
fondamental pour répondre aux situations contraires à l’Évangile. C’est
pourquoi il convient de réaffirmer avec force les fondements de la vraie
identité missionnaire des prêtres afin de pouvoir surmonter les problèmes qui
affligent l’humanité, et qui se reflètent sur la vie de l’Église.
Le Décret Presbyterorum Ordinis
sur le ministère et la vie des prêtres présente cette vérité aux n. 4-6, en se
référant aux prêtres comme ministres de la Parole de Dieu, comme ministres de
la sanctification à travers les sacrements et l’Eucharistie, et comme guides et
éducateurs du Peuple de Dieu. Ce sont les tria
munera du prêtre.
Même si l’identité missionnaire du prêtre n’y est pas abordée
expressément, elle est clairement présente dans ce texte. Le prêtre
« envoyé », participant à la mission du Christ envoyé par le Père, se
trouve engagé dans une dynamique missionnaire sans laquelle il ne pourrait pas
vivre pleinement son identité (Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, 26).
Dans l’Exhortation apostolique
post-synodale Pastores dabo vobis, il
est dit que le prêtre, tout en étant inséré dans une Église particulière, a
reçu en vertu de son ordination un don spirituel qui le prépare à la mission
universelle, jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Ac 1,8), car « n’importe quel ministère sacerdotal participe aux
dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux Apôtres » (PDV 32).
Lorsqu’on parle de mission, il faut toujours garder présent à
l’esprit que l’envoyé, le prêtre dans ce cas, est en relation d’une part avec
celui qui l’envoie, et de l’autre avec ceux vers qui il est envoyé. En
examinant sa relation avec le Christ, premier envoyé du Père, on peut voir dans
les textes du Nouveau Testament que c’est le Christ lui-même qui envoie et qui constitue
les ministres de son Église. Ces derniers ne doivent donc jamais être considérés
uniquement comme des élus ou des délégués de la communauté ou du peuple
sacerdotal. « Le prêtre trouve la
pleine vérité de son identité dans le fait d’être une participation spécifique
et une continuation du Christ lui-même, souverain et unique prêtre de la
Nouvelle Alliance : il est une image vivante et transparente du Christ
prêtre »
(PDV 12).
4. Le prêtre et la nécessité d’une nouvelle
pratique missionnaire
Dans cette relation avec le Christ, la première vérité qui se
fait jour porte sur l’importance d’une identification et d’une intimité
profondes avec Celui qui a consacré le prêtre et qui l’envoie. Pour être un missionnaire,
il faut d’abord être un disciple. L’Évangile de Marc nous dit que « [Jésus]
gravit la montagne, et il appela ceux qu’il voulait. Ils vinrent auprès de lui,
et il en institua douze pour qu’ils soient avec lui, et pour les envoyer
prêcher avec le pouvoir de chasser les esprits mauvais » (Mc 3,13-15). « Il
appela ceux qu’il voulait » et ceux-ci « vinrent auprès de
lui » : ils deviennent ainsi des disciples. Puis il envoya les
disciples prêcher et chasser les démons : ils deviennent aussi des
missionnaires.
Dans le parcours du disciple, tout commence par un appel du
Seigneur. C’est toujours lui qui prend l’initiative. L’appel est une grâce que
nous devons accueillir et garder librement et humblement, avec l’aide de
l’Esprit Saint. Dieu nous a aimés en premier : c’est le primat de la
grâce. Cet appel est suivi de la rencontre avec Jésus, pour entendre sa parole
et pour faire l’expérience de son amour pour chaque homme et pour toute
l’humanité. Il nous aime et nous révèle le vrai Dieu, un et trine, qui est
amour.
L’Évangile nous montre que dans cette rencontre, l’Esprit de
Jésus transforme celui dont le cœur est ouvert. Car celui qui rencontre Jésus
vit un engagement profond de toute sa personne et de sa mission dans le monde,
croit en lui, fait l’expérience de son amour, adhère à lui, décide de le suivre
inconditionnellement partout où cela le conduira, investit en lui toute sa vie
en acceptant même de mourir pour lui, s’il le faut. Après cette rencontre, il
repart le cœur joyeux et enthousiaste, fasciné par le mystère de Jésus, et se
met à l’annoncer à tout le monde. Ainsi, le disciple devient semblable au
Maître, envoyé par lui, et soutenu par l’Esprit Saint.
Benoît XVI, dans un commentaire du passage de Marc déjà cité, affirme
que l’essence de la vocation spirituelle du prêtre consiste d’abord à « être
avec le Christ », et ensuite à être « envoyé par Lui ».
« Être avec Lui et, en tant qu’envoyés, être en chemin vers les personnes –
ces deux choses vont ensemble et, ensemble, constituent l’essence de la
vocation spirituelle, du sacerdoce. Être avec Lui et être envoyés – deux choses
indissociables l’une de l’autre. Seul celui qui est avec Lui apprend à le
connaître et peut l’annoncer vraiment ». Dans le cas contraire, on risque
de tomber dans un « activisme vain ». « La pratique le montre :
là où les prêtres, en raison de leurs devoirs importants, permettent que leur
présence aux côtés du Seigneur se réduise toujours davantage, ils perdent
alors, en dépit de leur activité assurément héroïque, la force intérieure qui
les soutient. Ce qu’ils font devient à la fin un activisme vain » (Aux séminaristes, aux prêtres, aux religieux
et religieuses et aux membres de l’œuvre pontificale pour les Vocations de
consécration spéciale, Allemagne, 11 septembre 2006).
Pour le prêtre, « être avec Lui » se renouvelle chaque
jour, d’une façon absolument spéciale, dans la célébration quotidienne de l’Eucharistie,
mais aussi dans la lecture priante de la Bible, dans l’oraison fidèle de la
Liturgie des Heures, dans la prière personnelle et communautaire, dans la
réception du sacrement de la Réconciliation, dans la solidarité envers les
pauvres, et de bien d’autres façons encore.
Il faut « être avec Lui » pour être vraiment ses
disciples et pour l’annoncer ensuite avec force et efficacité. « Être avec
Lui » pour le présenter ensuite aux hommes : telle est la tâche centrale
du prêtre !
Il s’agit en définitive de vivre une vie centrée sur Dieu. « Si
dans une vie sacerdotale, on perd cet aspect central de Dieu, le zèle de l’action
disparaît peu à peu » (Benoît XVI Aux
membres de la Curie romaine, 22 décembre 2006). La vocation missionnaire
des prêtres découle de cette expérience intime et profonde de Dieu.
Aujourd’hui, cette mission se déploie nécessairement dans deux
directions : ad gentes et dans
le troupeau déjà constitué de l’Église, c’est-à-dire auprès des baptisés. Les
horizons de la mission ad gentes s’élargissent
et demandent un élan missionnaire renouvelé. L’Église tourne les yeux avec
prévenance, amour et espérance par exemple vers l’Asie, et en particulier vers
la Chine, et vers l’Afrique. Les prêtres sont invités à se mettre à l’écoute du
souffle de l’Esprit et à partager la sollicitude de l’Église universelle. Mais
d’autre part, dans le troupeau déjà constitué de l’Église, dans les pays dits
chrétiens où malheureusement plus de la moitié des baptisés ne participent pas
à la vie de l’Église, étant peu ou pas du tout évangélisés, l’évangélisation
missionnaire est devenue une urgence qui ne saurait être renvoyée à plus tard.
C’est principalement sur cette mission à l’intérieur du troupeau que nous allons
réfléchir durant cette Plénière, la mission ad
gentes étant de la compétence spécifique de la Congrégation pour
l’Évangélisation des Peuples.
5. Le Prêtre, disciple et missionnaire, dans
l’exercice des tria munera
Le Concile Vatican II présente le prêtre comme ministre de la
parole, comme ministre de la sanctification par les sacrements, et en
particulier par l’Eucharistie, et comme pasteur, guide et éducateur du Peuple
de Dieu (cf. Presbyterorum ordinis, n.
4-6). Ce sont les tria munera, qui composent
le cadre de sa vie de disciple et de missionnaire.
5.1. Dans
le cadre du munus docendi
En premier lieu, pour être un
vrai missionnaire à l’intérieur du troupeau de l’Église, compte tenu des
nécessités actuelles, il est essentiel et indispensable que le prêtre soit disposé
non seulement à accueillir et à évangéliser ceux qui le lui demandent dans sa
paroisse ou ailleurs, mais aussi à « se lever et aller » à la
recherche, d’abord des baptisés qui ne participent pas à la vie de la
communauté ecclésiale, et ensuite de tous ceux qui connaissent peu ou pas du
tout le Christ. Cette nouvelle mission doit être embrassée avec enthousiasme
par chaque paroisse, sous une forme permanente, en cherchant à atteindre d’abord
tous les baptisés de son territoire, et ensuite les non baptisés.
Dans toute annonce spécifiquement missionnaire de l’Évangile, le
kerigma occupe une place centrale. Cette
annonce kérygmatique, qu’il s’agisse d’une première annonce ou d’une annonce
renouvelée de Jésus Christ, mort et ressuscité, et de son Royaume, reçoit assurément
une force et une onction spéciales de l’Esprit Saint. Le kerigma est par excellence le contenu de la prédication
missionnaire.
Dans l’encyclique Redemptoris
missio (1990), Jean-Paul II a écrit : « Dans la réalité complexe
de la mission, la première annonce a un rôle central et irremplaçable parce qu’elle
introduit dans le mystère de l’amour de Dieu, qui appelle à nouer des rapports
personnels avec lui dans le Christ et qu'elle ouvre la voie à la conversion. La
foi naît de l’annonce. […] L’annonce a pour objet le Christ crucifié, mort et
ressuscité : en lui s’accomplit la pleine et authentique libération du
mal, du péché et de la mort ; en lui, Dieu donne la vie nouvelle, divine
et éternelle. Telle est la Bonne Nouvelle qui transforme l’homme et l’histoire
de l’humanité et que tous les peuples ont le droit de connaître. Cette annonce
doit être faite dans le contexte de la vie de l’homme et des peuples qui la
reçoivent. Elle doit également être faite avec une attitude d’amour et d’estime
envers celui qui écoute, dans un langage concret et adapté aux circonstances.
Dans cette annonce, l’Esprit est à l’œuvre et instaure une communion entre le
missionnaire et les auditeurs, ce qui est possible dans la mesure où ils
communient entre eux, par le Christ, avec le Père » (n. 44).
Nous devons par
conséquent recommencer cette première annonce « à temps et à
contretemps », avec constance, conviction et joie d’évangéliser, tant dans
nos homélies, pendant la Messe ou à l’occasion d’autres événements
évangélisateurs comme la catéchèse, les
visites à domicile, sur les places publiques, dans les moyens de communication
sociale, dans les rencontres personnelles avec nos baptisés qui ne participent
pas à la vie des communautés ecclésiales, en somme, partout où l’Esprit nous
pousse et nous donne une occasion que nous ne devons pas laisser passer.
Dans cet effort
missionnaire, les destinataires privilégiés seront les pauvres. Comme l’a dit
Jésus lui-même : « L’Esprit du Seigneur est sur moi. […] Il m’a
envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4,18). Dans son discours
déjà cité aux évêques brésiliens, Benoît XVI a dit : « Parmi les
problèmes que doit affronter votre sollicitude pastorale se trouve, sans aucun
doute, la question des catholiques qui abandonnent la vie ecclésiale. Il semble
clair que la cause principale de ce problème, parmi d’autres, peut être
attribuée au manque d’une évangélisation dans laquelle le Christ et son Eglise
se trouvent au centre de toute explication. […] Dans l’Encyclique Deus caritas
est, j’ai rappelé qu’à l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une
décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec
une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation
décisive (n. 1). Il est donc nécessaire de lancer l’activité apostolique comme
une véritable mission dans le cadre du troupeau constitué par l’Église, […] en
promouvant une évangélisation méthodique et ramifiée en vue d’une adhésion
personnelle et communautaire au Christ. Il s’agit, en effet, de ne pas épargner
les efforts pour aller à la recherche des catholiques qui se sont éloignés et
de ceux qui ne connaissent que peu ou pas du tout Jésus Christ. […] Dans
cet effort évangélisateur, la communauté ecclésiale se distingue par ses
initiatives pastorales, en envoyant ses missionnaires, laïcs ou religieux, en
particulier dans les foyers des banlieues urbaines et de l’intérieur du pays,
en cherchant à dialoguer avec tous dans un esprit de compréhension et de
charité attentive. Toutefois, si les personnes rencontrées vivent dans une
situation de pauvreté, il faut les aider comme le faisaient les premières
communautés chrétiennes, en pratiquant la solidarité pour qu’elles se sentent
vraiment aimées. Les personnes pauvres des banlieues urbaines ou de la campagne
ont besoin de sentir la proximité de l’Église, que ce soit à travers l’aide
pour les nécessités les plus urgentes, ou la défense de leurs droits et la
promotion commune d’une société fondée sur la justice et sur la paix. Les
pauvres sont les destinataires privilégiés de l’Évangile, et l’Évêque, formé à
l’image du Bon Pasteur, doit être particulièrement attentif à offrir le baume
divin de la foi, sans négliger le pain matériel. Comme je l’ai souligné dans l’Encyclique
Deus caritas est, l’Église ne peut pas négliger le service de la
charité, de même qu’elle ne peut négliger les Sacrements ni la Parole »
(n. 3).
5.2. Dans
le cadre du munus sanctificandi
La proclamation de la
Parole de Dieu fait partie de chaque célébration sacramentelle, puisque le
sacrement demande un acte de foi de la part de celui qui le reçoit. Il en
résulte que la célébration des sacrements, et en particulier de l’Eucharistie,
possède une dimension missionnaire intrinsèque qui peut déboucher sur l’annonce
du Seigneur Jésus et de son Royaume à ceux qui n’ont encore été que peu ou pas
du tout évangélisés.
Il
convient de souligner aussi que l’Eucharistie est au centre de la vie de
l’Église et de chaque chrétien. En ce sens, on peut dire que l’Eucharistie est
le point d’arrivée de la mission. Le missionnaire part à la recherche des
personnes et des peuples pour les amener à la table du Seigneur, prémisse
eschatologique du banquet de vie éternelle au ciel, près de Dieu, qui sera la
pleine réalisation du salut selon le dessein rédempteur du Père. Enfin, l’Eucharistie
a une dimension d’envoi missionnaire. Chaque Messe se conclut par l’envoi de
tous les fidèles, appelés à être des missionnaires dans la société.
En célébrant
l’Eucharistie et en recevant le sacrement du Corps et du Sang de Jésus, la communauté
chrétienne est étroitement unie au Seigneur et comblée de son amour infini. Chaque
fois, en recevant le commandement de Jésus : « Aimez-vous les uns les
autres comme je vous ai aimés », elle se sent poussée par l’Esprit du
Christ à aller annoncer à toute la création la Bonne Nouvelle de l’amour de
Dieu et l’espérance certaine dans sa miséricorde salvatrice. Le décret Presbyterorum
Ordinis du Concile Vatican II nous dit que « l’Eucharistie est bien la
source et le sommet de toute l’évangélisation » (n.5).
Une
célébration de l’Eucharistie ou des autres sacrements, belle, sereine, digne et
pieuse, en observant les normes liturgiques, est déjà en elle-même une
évangélisation particulière pour les fidèles présents.
Tous
les sacrements tirent leur force sanctifiante de la mort et résurrection du
Christ et proclament la miséricorde indéfectible de Dieu. Il faut toujours bien
souligner leur essence et leur efficacité missionnaires.
5.3. Dans
le cadre du munus regendi
Dans l’urgence missionnaire actuelle, il est indispensable que
les prêtres, animés par la charité pastorale et conscients qu’ils sont les
ministres du Christ, guident la communauté qui leur est confiée dans la mission.
La capacité personnelle du prêtre de susciter l’esprit missionnaire et la
coresponsabilité chez les fidèles laïques, en comptant sur eux pour la nouvelle
évangélisation, fait partie intégrante du munus
regendi.
En effet, la coresponsabilité des fidèles laïques et leur
participation à la mission de l’Église ne diminuent en rien les qualités de
pasteur du prêtre. Lors de sa rencontre avec les prêtres des diocèses de Belluno-Feltre
et Trevise, le Saint-Père a dit : « La coresponsabilité de toute la
paroisse est à mes yeux un résultat important et positif du Concile. Ce n’est pas
le curé qui doit tout organiser seul, mais puisque nous faisons tous partie de la
paroisse, nous devons tous collaborer et aider, afin que le curé ne demeure pas
isolé en tant que coordinateur, mais qu’il joue réellement son rôle de Pasteur,
aidé dans les travaux communs qui font que la paroisse se réalise et vit »
(24 juillet 2007).
Dans le cadre du munus
regendi, le curé devra convoquer les membres de la communauté paroissiale, pour
qu’ils assument avec lui la mission de la paroisse. Les laïcs sont appelés par
le Seigneur à être des évangélisateurs, en vertu de leur baptême et de leur
confirmation. Le curé convoquera donc ses laïcs, les formera et les enverra en
mission, une mission sur laquelle il veillera lui-même.
Pour que la mission paroissiale puisse donner du fruit, il
faudra avoir une bonne méthodologie missionnaire. L’Église a une expérience
bimillénaire en la matière. Néanmoins, chaque époque historique comporte de
nouvelles circonstances dont il faut tenir compte dans la façon de pratiquer la
mission.
L’identité missionnaire authentique exige que le prêtre manifeste
clairement sa qualité de pasteur. D’où l’importance pastorale de l’habit
ecclésiastique, comme signe de l’identité universelle du prêtre. Plus une
société est pluraliste et sécularisée, plus elle a besoin de signes
d’identification du sacré (cf. Paul VI, Catéchèse à l’Audience générale
du 17 septembre 1969, Allocution au clergé (1er mars 1973), Insegnamenti
de Paul VI, VII (1969), 1065 ; XI (1973), 176 ; can. 284 ; Directoire pour le ministère et la vie des
prêtres, n. 66 ; Le Prêtre,
maître de la Parole..., chap. IV, n. 3). De façon analogue, mais encore
plus profonde, un témoignage convaincu du célibat sacerdotal peut et doit être
un signe de la transcendance du Royaume de Dieu.
Il faut ajouter que dans les circonstances actuelles, il est
particulièrement urgent que les prêtres montrent la plus grande disponibilité à
changer non seulement de charge pastorale, mais aussi de ville, de région ou de
pays selon les nécessités, à accomplir en toutes circonstances la mission
nécessaire pour l’amour de Dieu, même à l’encontre de leurs penchants ou de leurs
projets personnels. De par la nature même de leur ministère, ils doivent être
pénétrés et animés par un profond esprit missionnaire et par un esprit vraiment
catholique, qui les habitue à regarder au-delà des limites de leur diocèse,
nation ou rite et à aller à la rencontre des nécessités de l’Église universelle,
en étant disposés à prêcher l’Évangile partout (cf. Optatam totius, n.
20 ; Catéchisme de l’Église
catholique, n. 1565 ; Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, 18).
6. La formation missionnaire des prêtres et les
vocations sacerdotales
Tous
les prêtres doivent recevoir une formation missionnaire soignée et spécifique, puisque
l’Église entend s’engager avec une ardeur et une urgence renouvelées dans la
mission ad gentes et dans une évangélisation missionnaire de tous les
baptisés, et en particulier de ceux qui se sont éloignés de la participation à
la vie et aux activités de la communauté ecclésiale. Cette formation, qui devra
être systématique, approfondie et ample, débutera dès le séminaire.
Il est particulièrement urgent d’établir un lien de continuité entre le temps
de la formation au séminaire, le début du ministère, et la formation continue à
la mission, trois étapes qui doivent être reliés harmonieusement entre elles
pour que dans cette œuvre, le clergé puisse être pleinement ce qu’il est, à
savoir, une perle précieuse et indispensable offerte par le
Christ à l’Église et à
tous les hommes.
7. Conclusion
Si
la mission est un élément constitutif de l’identité ecclésiale, nous devons
rendre grâce au Seigneur qui en a fait prendre conscience à toute l’Église, et
en particulier aux prêtres, y compris à travers le Magistère pontifical le plus
récent.
Dans le monde
d’aujourd’hui, l’urgence missionnaire est vraiment grande. Cela demande un
renouvellement de la pastorale, qui doit être conçue comme étant « en
mission permanente », tant ad gentes que là où l’Église est déjà
établie, en allant à la recherche de ceux que nous avons baptisés et qui ont le
droit d’être évangélisés par nous.
Les prêtres et toute la
communauté ecclésiale ne doivent pas ménager leurs efforts, à temps et à
contretemps, en vue de cette évangélisation missionnaire urgente, intense et à
grande échelle dans tous les milieux de la société d’aujourd’hui, à commencer
par les pauvres. Une telle « tension missionnaire » permanente ne
pourra que favoriser le renouvellement de l’identité sacerdotale de chaque
prêtre, qui trouvera dans l’exercice missionnaire des tria munera un
chemin de sanctification personnelle, et donc d’épanouissement de sa vocation
sacerdotale et humaine.
La mission et le prêtre,
pour être tels selon le Cœur du Bon Pasteur, doivent garder les yeux fixés sur
la Bienheureuse Vierge Marie, pleine de grâce, qui a donné le Seigneur au monde
pour qu’il soit la « lumière des hommes », continue de visiter les
hommes de tous les temps en marche sur les chemins du monde, pour leur montrer
le visage de Jésus de Nazareth, notre unique Sauveur.